« Le bar c’est de l’inattendu »

Arrivé de Paris il y a un an, Sébastien est le patron et le barman de l’Engrenage, petit bar rock en haut de la côte du Hédas. Nous l’avons rencontré pour parler de son parcours, de sa vision du métier, de la ville, de musique, de montagne… Extraits choisis d’une conversation de plus de deux heures.

Romain : A Paris tu faisais du bar aussi ?

Sébastien : Ouais. D’abord j’étais musicien. Du coup, être barman c’était pratique parce que je travaillais le soir, et que j’avais mes journées pour faire de la musique. Et puis le bar a pris de plus en plus d’importance au fil du temps, parce que c’est un métier qui paie pas trop mal quand le bar fonctionne bien et qu’on est intéressé aux bénéfices, ce qui était mon cas. Et du coup, je suis devenu progressivement... je veux pas dire responsable, parce que j’étais le seul barman et que donc j’étais de fait « responsable », mais je suis devenu progressivement gérant, pendant cinq ans. Après, il y a eu un concours de circonstances qui a fait que j’ai quitté le bar dans lequel j’avais commencé et où j’avais travaillé longtemps, et j’ai été embauché dans un autre bar où on m’avait réservé une place. Un endroit très sympa aussi, un club de musique avec deux étages, bar au rez-de-chaussée et club proprement dit en bas, au sous-sol.

Romain : Tu as fait ça pendant combien de temps ?

Sébastien : J’ai commencé en 98. Avant ça, j’avais été rapidement serveur dans un resto, un truc itinérant qui faisait des foires, ça a duré trois semaines. C’était épuisant, mais c’est comme ça que j’ai trouvé ma place en bar. Et avant ça, j’étais acheteur dans une chaîne de magasins de disques. Acheteur-vendeur, en fait, mais plutôt acheteur. Une chaîne de magasins de CD d’occase, il y en avait une dizaine sur toute la France, et moi je m’occupais des achats dans l’un d’entre eux. Mais comme c’était le magasin qui achetait le plus, on répartissait dans les autres.

Romain : Et donc t’es arrivé ici du coup il y a…

Sébastien : Je suis arrivé en juillet 2013, le temps de visiter plusieurs endroits, de trouver ici...

Discussion à l'Engrenage

Romain : Et pourquoi ce bar-là ?

Sébastien : Parce qu’il est extrêmement bien placé ! C’est le mieux placé de tous ceux que j’ai visités. Et puis il y a des choses qui m’ont beaucoup séduit comme la terrasse derrière, qui n’était pas du tout aménagée comme elle l’est maintenant, mais qui avait un vrai potentiel. Et puis c’était dans mes prix. J’aimais bien le côté assez petit. Le lieu, dans sa topographie même, est déjà ultra convivial. Le comptoir est très grand, il fait tout le bar, et du coup les gens s’installent forcément un endroit où ils sont à côté d’autres personnes.

“ Pour moi c’est ça un bar. C’est vraiment un endroit où tu as de l’inattendu. ”

Romain : Du coup il y a un rapport direct au barman qu’on retrouve pas forcément partout.

Sébastien : Oui bien sûr. Le fait que ce soit tout petit comme ça, tout ramassé, je vois tout le monde, tout le monde me voit. Il n’y a pas de salles, à part si les gens s’installent sur la terrasse, et tout le monde peut me parler et se parler. Pour moi c’est ça un bar. C’est vraiment un endroit où tu as de l’inattendu. Déjà t’as l’inattendu sur la musique, parce que tu sais pas quel morceau va venir après. Et puis tu as l’inattendu des gens. Si c’est juste pour boire des coups avec tes potes, tu vas au supermarché, t’achètes un pack de bière, tu le fais chez toi, y’a pas de problème. Ça coûte moins cher que d’aller dans un bistrot. Mais un bar, c’est un endroit où tu rencontres des gens que tu ne connais pas forcément. T’es pas dans ton élément naturel, t’es chez quelqu’un d’autre. C’est pour ça que les gens vont dans les bars aussi, je pense. C’est complètement différent d’un restaurant. Un restaurant, on te fait la cuisine, on te propose à manger des choses que tu ne ferais pas forcément chez toi. Se servir un whisky-coca, tu peux le faire. Même des cocktails, n’importe qui peut les faire, y’a rien de compliqué.

Romain Tu parlais de la playlist : elle est super vaste chez toi, et extrêmement variée.

Sébastien : Bah j’essaie, oui ! J’ai des goûts très éclectiques, et dans un bar j’aime bien que les gens soient un peu surpris par la musique… Il faut qu’il y ait de temps en temps une balise, un point de repère, un truc que tout le monde connaît… Bien sûr c’est schématique, mais il faut que tous les cinq-six morceaux, il y ait un truc où tu fais « Ah j’adore ce morceau ». Ça ramène les gens sur la musique. Parce que s’il y a seulement des morceaux que personne ne connaît, au bout d’un moment, les gens décrochent. Et pour moi, la playlist, c’est très important, ça fait partie de l’ambiance du bar.

Séverine : Et du coup tu y apportes un soin vraiment particulier.

Sébastien : Ah oui, très particulier.

“ La musique c’est important pour créer une ambiance, mais les gens sont pas tenus de l’écouter. ”

Séverine : Comment tu fais ?

Sébastien : J’ai déjà un disque dur avec énormément de musique dessus. Donc à 70 % c’est des choses que j’ai déjà, que je connais, que j’écoute moi-même, et dont j’ai le disque. Pour le reste, c’est des choses que j’ai récupérées à droite à gauche comme ça, et que je continue à récupérer tout le temps. Du coup quand il y a pas trop de monde, j’écoute des albums, et je me dis « Tiens, ça, ça irait bien »… La musique c’est important pour créer une ambiance, mais les gens sont pas tenus de l’écouter. De toute façon je mets jamais la musique suffisamment fort pour empêcher les gens de discuter entre eux. Les gens sont là pour se parler, ils sont pas là pour écouter passivement une playlist…

Alexandre : C’est un accompagnement…

Sébastien : Un accompagnement et une ambiance. Il faut qu’elle soit suffisamment… Comment dire ? C’est difficile à expliquer, ça… Il faut qu’elle soit suffisamment mainstream pour que ça puisse passer à peu près aux oreilles de tout le monde. Mais faut pas qu’il y ait trop de morceaux connus : seulement de temps en temps. Sinon, autant allumer la radio. J’aime bien que les gens soient surpris.. Après, je m’en occupe pas en soirée, elle est en random complet, les morceaux tournent aléatoirement. Et elle est suffisamment variée pour passer d’un morceau très rock à un truc un peu jazz, puis à un truc plutôt funk… Le fait de la mettre en aléatoire fait des collisions qui sont super marrantes, super intéressantes.

Séverine : Et en parlant de musique, les concerts, ça manque non ?

Sébastien : Ça manque énormément, mais j’ai pas la place. La salle est trop petite. Je pourrais sans doute faire des petits trucs acoustiques, c’est adapté : il suffit de pousser les tables, mettre une guitare, un micro, c’est tout à fait faisable. Mais les musiciens qui sont capables de faire ça correctement sont très rares. Parce que pour chanter en acoustique dans un bar il faut avoir un répertoire gigantesque. Soit tu fais un truc ponctuel, auquel cas, bon, y a pas besoin d’avoir un très grand répertoire, mais c’est pas génial, soit tu fais un truc régulier, et là il faut que toutes les semaines ça change. Il faut aussi être réactif, du fait de la proximité avec les gens qui vont t’écouter. Tu dois faire des blagues, avoir un gros charisme, savoir chanter, jouer de la guitare en même temps, et avoir beaucoup de chansons sous le coude.

Séverine : Donc toi en fait, dans ta tête ce serait quelque chose de très régulier ?

Sébastien : J’aimerais bien, carrément, mais faut vraiment trouver la perle rare. Et je l’ai pas encore trouvée mais j’ai des contacts. En dehors de ça, les seuls trucs qu’on m’a proposés c’est des trucs qui ne m’intéressent pas vraiment. Ou alors des concerts métal ou punk. Et ça, moi je veux bien, mais la batterie tu la colles où ? Le lieu est pas adapté, tu peux pas amplifier, ça sert à rien, on est dans 30 m².

Cible de fléchettes

Séverine : Ce bar, tu l’as ouvert il y a combien de temps ?

Sébastien : Un an. Un peu plus d’un an maintenant.

Séverine : Alors ? Bilan ?

Sébastien : Bah je suis ravi. J’ai mis peut-être six mois avant de trouver ma clientèle. Bon, le fait d’avoir eu les Beaux-Arts assez vite ça m’a aidé.

Romain : Oui parce que c’est une peu le QG ici, pour l’ESAP.

Sébastien : Oui, ils ont fait leur soirée d’intégration ici, du coup il y a plein de gens des Beaux-Arts qui ont découvert le lieu, et comme c’est un peu leur genre d’ambiance aussi, bah ils sont revenus. En plus je m’entends très bien avec tous.

Séverine : Un truc que je me suis dit à chaque fois que je suis venue, c’est qu’il y a une ambiance très cool. Les gens sont sympa, il y a pas d’histoires, de bagarres, de conflits…

“ Je pense sincèrement que ta clientèle, tu la choisis quand tu fais un bar. ”

Sébastien : C’est ce que je voulais dès le départ. L’ambiance dans un bar, le fait que tu t’y sentes bien ou pas, ça dépend de plein de facteurs. Ça dépend, entre autres, de qui y est déjà, quelle est la clientèle déjà présente. Si la clientèle est trop différente… Je parle pas de « différente » en termes d’âge ou de statut socio-professionnel, hein… Je parle vraiment au niveau de la mentalité. J’ai fait un tri drastique, vraiment. J’ai toujours bossé comme ça : je me dis, c’est moi le critère. Si j’aime bien quelqu’un, et que j’aime bien quelqu’un d’autre, il y a pas de raisons pour que ces deux-là s’entendent pas bien entre eux, même s’ils se connaissent pas. Je pense sincèrement que ta clientèle, tu la choisis quand tu fais un bar. Quand tu fais un resto beaucoup moins, mais quand tu fais un bar, surtout quand c’est un bar vraiment petit, qui est du coup assez vite plein, s’il y a un quart de fouteurs de merde, de gens qui cadrent pas, l’ambiance se détériore super vite. Et pour être sûr que ça n’arrive pas, et ben il faut pas les laisser rentrer, tout simplement. C’est pas un endroit où tu viens prendre une bouteille. Je vends pas de bouteilles : c’est fait exprès. Je vends pas de champagne non plus : c’est fait exprès.

Romain : Et c’est parfaitement assumé…

Sébastien : Ah mais totalement ! Je fais du profilage, qui n’est ni racial, ni sexiste, ni quoi que ce soit, c’est à l’état d’esprit. C’est aussi pour ça qu’il y a pas de télé.

Séverine : J’ai envie de dire : encore heureux !

Sébastien : Ouais mais maintenant il y a des télés quasiment dans tous les bars ! Pour moi un bar c’est un endroit de rencontres, c’est un endroit où tu discutes avec des gens que tu connais pas, qui sont pas du même milieu que toi, qui n’ont pas le même âge que toi... Mais pour que ça fonctionne, il faut que tout le monde soit à peu près sur la même longueur d'ondes.

Romain : Ça fait partie de la création d’ambiance en fait…

Sébastien : Voilà. Et je pense que c’est pour ça que ça marche, aussi. Tu viens suffisamment régulièrement pour voir qu’il y a des étudiants, des métalleux, des gens plus âgés, des gens qui travaillent… Y a vraiment de tout, et pourtant tout le monde discute avec tout le monde, tout le monde se parle, tout le monde rigole ensemble…

“ Je veux pas du tout faire un bar exclusivement étudiant, parce que je veux pas faire un bar exclusivement quoi que ce soit. ”

Romain : Une des caractéristiques d’ici c’est aussi que c’est vraiment pas cher.

Sébastien : C’est vrai. Mais ça va aussi avec le reste ! Tu vois, mettre une pinte à 5,50 ou à 6 euros, ici, ça n’aurait pas de sens à mon avis. L’happy hour, bon, je suis le seul bar de Pau à en faire, mais je vais peut-être lancer une mode ! Le premier constat que j’ai fait en arrivant ici c’est que c’est une ville étudiante, il y a une fac qui est à vingt minutes à pied, mais ici les étudiants ne sortent pas. Dans toutes les villes étudiantes, les étudiants sont tout le temps dehors. Tu vas à Montpellier, à Rennes, à Lille, n’importe où, même des petites villes comme La Rochelle où il y a une fac, à six ou sept heures du soir, toutes les rues se remplissent d’étudiants qui vont dans les bars. Parce qu’il y a des tarifs faits pour eux, parce qu’il y a des bars faits pour eux. Je veux pas du tout faire un bar exclusivement étudiant, parce que je veux pas faire un bar exclusivement quoi que ce soit, mais le fait est que les étudiants sortent pas du tout ici. Ils sont extrêmement casaniers.

Séverine : Et tu te l’expliques comment, ça ?

Sébastien : J’ai… des théories. (rires). D’abord, le fait qu’il y ait pas d’happy hour… Et puis, il n’y a pas de rue de la soif, ici. Il y en avait une avant, mais il y en a plus. Donc pas de spot où tout le monde se dirige, et où ensuite on choisit un bar. Y a pas ça à Pau. Il y avait le Triangle, mais plus maintenant. Et je pense que c’est ça qui fait que les étudiants ne sortent plus : avant ils allaient tous au Triangle, et ensuite on verra bien. Et quand tous les bars du Triangle ont fermé à part le Garage, ils se sont tous rapatriés chez eux, parce qu’ils avaient plus rien à faire. Et ensuite, chez les étudiants, ça se transmet d’une année sur l’autre, et on en est là. Aujourd’hui il y a presque 17.000 étudiants [12.000 en réalité - NDLR] répartis dans toute l’agglomération, et ils ne sortent pas. Ils sortent un peu en boîte, le jeudi, le vendredi, et le samedi, et c’est tout. Mais tard. Ils picolent d’abord chez eux, et ensuite ...

Romain : Il y aussi le fait que comme c’est une fac moyenne, voire petite, les étudiants viennent de moins loin que dans les grandes villes universitaires comme Montpellier. Et comme ils viennent de moins loin, ils ont plus tendance à rentrer chez eux le week-end, à Orthez, à Oloron, au Pays Basque, à Tarbes…

Sébastien : Certes, ça explique pourquoi ils sortent pas le week-end, mais pas pourquoi ils sortent pas en semaine. Après, moi j’ai les Beaux-Arts, c’est très bien, mon happy hour fonctionne très bien avec eux, et ça me plaît. Ça je ne vais pas le changer.

Sébastien derrière son comptoir

Séverine : Ça c’est pareil : toi, tu as une population étudiante qui, parmi toutes les populations étudiantes, est quand même particulière, qui est plutôt sympathique…

Sébastien : Oui, tout à fait, ça fait partie… de la sélection. Je suis pas quelqu’un de pressé, je préfère prendre mon temps pour construire quelque chose d’agréable, de convivial, de chaleureux, un endroit où tu peux aller tout seul et tu vas quand même passer une bonne soirée. Ne serait-ce qu’en parlant avec moi. Pour moi c’est important ça. Que ce soit un endroit où tu peux aller sans avoir à y penser. Par exemple, je fais très attention à ce qu’il y ait pas de filles qui se fassent emmerder ou draguer lourdement.

Romain : Ça, je ne t’ai pas vu faire, mais on me l’a raconté plusieurs fois, et c’est un truc qui est marquant. Parce que dans certains bars, quand il y a un relou qui emmerde une fille, ils font comme s’ils avaient pas vu. Ils n’ont pas envie de s’emmerder.

Sébastien : Pour moi ça c’est scandaleux. Parce que c’est évidemment un endroit de rencontres, où tu peux croiser des gens, discuter, et que ça se passe bien, et voilà ! Mais à partir du moment où tu te fais refouler, t’arrêtes d’insister. Si tu continues à insister, là par contre c’est moi qui fais le tour du comptoir et… Encore une fois ça fait partie de l’ambiance et je veux que tout le monde se sente à l’aise. Tout le monde.

Séverine : Je pense aussi que c’est ce que les gens viennent chercher. C’est idiot, mais l’air de rien, quand tu viens ici tu sais que ça va bien se passer, et c’est agréable. Parce qu’il y a rien de plus chiant de que de vouloir passer un bon moment, d’aller boire un coup, et de tomber sur des connards.

Sébastien : On a la clientèle qu’on mérite. Y a pas de secret. Mais il faut aussi pouvoir le faire. Moi j’ai une chance : j’ai pas de crédit, j’avais l'argent de côté pour acheter le bar. Du coup j’ai eu plus de marge au niveau du temps que j’ai mis pour démarrer et avoir la clientèle qui me plaisait. Moins d’urgence à rentrer du pognon tout de suite. J’ai peut-être mis plus longtemps à me lancer que si j’avais fait autrement, mais j’ai sacrifié le quantitatif au qualitatif. Je préfère avoir une clientèle de qualité, et des gens qui s’entendent tous bien les uns avec les autres, et avec moi.

“ Je fais ce métier-là parce que j’adore ça aussi, je le fais pas par défaut. J’aime rencontrer les gens, j’aime discuter avec eux, savoir ce qu’ils font, partager éventuellement des idées, des opinions ”

Séverine : Toi justement, dans les soirées, tu as l’occasion de discuter avec les gens, de trouver ce que tu cherches ?

Sébastien : Ah oui tout, à fait. Je fais ce métier-là parce que j’adore ça aussi, je le fais pas par défaut. J’aime rencontrer les gens, j’aime discuter avec eux, savoir ce qu’ils font, partager éventuellement des idées, des opinions, des machins comme ça. C’est important, c’est intéressant. Et un bar c’est un peu fait pour ça aussi.

Séverine : T’as eu beaucoup à recadrer ici ?

Sébastien : Très peu, parce que tous ceux que je sentais pas, ils ont pas eu le temps d’être recadrés. (rires). Il faut que tout le monde puisse s’amuser, et l’avantage de ce quartier-là, c’est qu’il y a de plus en plus de bars, et qu’on se marche absolument pas sur les pieds. Moi je suis plutôt un bar un peu rock, le Baracuba a son ambiance latino et sa clientèle, qui n’est pas du tout la même que la mienne, le N°5 c’est encore quelque chose d’autre, le Passage c’est encore quelque chose d’autre, le Bondi aussi… C’est très bien parce que les gens viennent dans le quartier et ont le choix entre plusieurs ambiances. Certaines leur plaisent, certaines leur plaisent pas, et voilà. Du coup c’est vrai qu’on s’entend plutôt bien entre tous les patrons, parce qu’il y a aucune espèce de concurrence, ni de près ni de loin. Ma clientèle irait pas au Baracuba, et réciproquement : il en faut pour tous les goûts. Les gens dont je disais « je les sens pas, j’ai pas envie qu’ils reviennent », il y a d’autres bars où ils sentiraient parfaitement bien, et qui cadreraient parfaitement. Quand par exemple tu vas sur le Boulevard, tu vois que les bars se touchent, mais qu’entre le Winfield et le Galway, par exemple, c’est pas du tout la même clientèle. Tu vois très clairement la frontière. Je dénigre personne en disant ça, je fais juste un choix dans l’ambiance que je veux.

Séverine : Et donc, tu disais, avec les autres patrons de bar ça se passe bien.

Sébastien : Très bien. Vraiment très bien.

Romain : Tu t’es intégré facilement ?

Sébastien : C’était une de mes petites peurs en arrivant ici, parce que je viens de Paris, et que voilà… Mais je trouve que les gens ici sont extrêmement ouverts. Ça tient sans doute de l’histoire de la ville, qui a toujours été un carrefour cosmopolite en termes de régions, et même plus. Il y a plein d’Anglais, plein d’Espagnols, c’est vraiment un endroit où tout le monde se croise avant de repartir ailleurs… Personne ne m’a regardé bizarre en disant « Ah ouais, tu viens de Paris… ». J’ai été très bien accueilli, sans aucun a priori, sans aucun problème. J’ai des bons rapports avec tout le monde.

Séverine : Et du coup comment ça se passe, t’as le temps un peu de sortir ?

Sébastien : J’aimerais bien mais c’est très compliqué. Je travaille aux heures de sorties, et les jours où je ferme je me repose. Parce que comme je suis tout seul, j’ai beaucoup de choses à faire aussi en dehors. Paperasse, compta, courses, livraisons, etc. Et j’ai personne pour m’aider pour ces trucs-là. Je commence ma journée beaucoup plus tôt que l’ouverture du bar. Donc du coup autant te dire que le dimanche et le lundi : je me repose ! J’aimerais bien pouvoir aller marcher, de temps en temps. Je vais vraiment essayer de me dégager des jours, pour aller une journée ou deux de temps en temps en montagne. Pour le moment j’ai pas eu le temps du tout.

Séverine : La montagne c’est quelque chose qui t’apporte ?

Sébastien : Oui, c’est aussi pour ça que je suis ici. J’avais envie d’aller près des Pyrénées à cause de ça. Il y a deux endroits où j’aime vraiment beaucoup marcher, c’est d’une part ici, en Béarn, et puis les Pyrénées-Orientales. C’était vraiment les deux spots sur lesquels je regardais pour m’installer. C’est à peu près le seul sport que je suis capable de faire correctement, physiquement : j’ai beaucoup d’endurance et j’ai la bonne morphologie pour ça. Et puis surtout, ça me vide complètement la tête ; ça met tout en perspective... C’est pas du tout mystique comme démarche, c’est juste que, d’un point de vue personnel, ça me détend, je marche trois heures en montagne et je suis bien.

Séverine : C’est vraiment pour te vider la tête...

Sébastien : Oui voilà. A la base, je suis déjà quelqu’un de très zen, très détendu, je m’énerve jamais. Mais bon, il y a forcément du stress qui s’accumule, des petites choses qu’on pense importantes et qui viennent les unes par-dessus les autres. Marcher un mois en montagne... déjà, je perds dix kilos d’un coup ! (rires), mais en plus c’est extrêmement reposant. Mentalement c’est très bon. Et puis c’est beau !

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